Love Stories au Quadrilatère à Beauvais
D’un ton libre, Love Stories questionne, décortique et expose les nombreuses acceptions de l’amour.
Tantôt érotique, tendre, familial, amical, fantasmé, rêvé, hétérosexuel, homosexuel ou filial, l’amour est partout, et l’exposition explore et offre au visiteur des images d’une belle variété, parti-pris de Paul Ardenne, qui revêt pour l’occasion la casquette de commissaire de l’exposition à la demande de Diaphane.
Pour vous, je dresse un rapide lexique de cette superbe exposition visible jusqu’en janvier 2017.
Beauté dans un premier temps, avec Love is the revolutionnary energy de Robert Montgomery de 2011, artiste écossais mettant en scène dans l’espace public – ici une plage du sud de la France- des messages le plus souvent lumineux.
Par le geste purificateur de la mise à feu l’artiste remet en mémoire les vertus de l’amour…texte enflammé au service d’une ode adaptée au thème de l’exposition.
Douceur avec Malick Sidibé et sa Nuit de Noël de 1963. Ravissez-vous de la simplicité de la mise des protagonistes! La beauté de leurs gestes et de leur danse donnent un sentiment de légèreté à cette scène d’une grande simplicité.
Artifices avec Pierre et Gilles. L’amour défunt fixe pour l’éternité l’histoire d’amour de deux vedettes françaises dans un décor urbain, mêlant imagerie populaire – les fleurs sont en plastique !!- et finesse de la mise en scène.
Tendresse ensuite, si on s’attarde devant la série Household de 2016 de Tuomo Manninen. Pour la réaliser, l’artiste finnois photographie les habitants de sa rue à Helsinki. Grâce à une mise en scène reposant uniquement sur la participation des modèles, l’artiste privilégie ici la régularité de la prise de vue, du décor et de la gamme chromatique pour mettre en place des portraits d’un (naïf?) réalisme. On peut facilement imaginer qu’un double discours est sous-jacent. La photographie, en prise avec la réalité? Oui, mais cachant les forces et les faiblesses de ces anonymes sous une apparente sérénité. C’est donc aussi une réflexion sur le genre du portrait. En choisissant la neutralité, n’est-ce pas la soi disant véracité de la retranscription psychologique que l’artiste interroge ? La photographie est-elle à la hauteur de cet enjeu ?
Intimité avec l’américaine Lauren Fleishman. Flânez devant la série The Lovers de 2015: images de couples ayant toujours partagé leur vie. Photographe de reportages s’intéressant beaucoup au corps, l’artiste livre des photographies touchantes d’authenticité.
Amitié avec les images d’André Petersen. Trouvant ses modèles dans les couches populaires, les marginaux et les petites gens, cet artiste semble rendre compte de la relation que le photographe entretient avec ses modèles. Ces derniers ne sont pas « utilisés » mais bel et bien choyés, écoutés et mis en lumière par l’approche amicale et humaine du photographe. Une part d’intimité et de vérité transfuse de ces images mais surtout, c’est l’extraordinaire savoir-être de l’artiste qui crève l’image : le visiteur admire ici autant d’instants de vie que d’instants d’amitié.
Utopie. À contrario, Morgane Callegari et ses Jeunes filles en fleurs illustrent un bonheur amical fragile et exclusivement féminin, inspiré par les contes du XIXe siècle et les œuvres du préraphaélisme. La mise en scène, le décor, les costumes et les poses étudiées participent à cet équilibre dont les hommes sont exclus. Et pour cause! Leur présence ne briserait-elle pas cette utopie amicale ?
Mystère. Dana Hoey nous propose de pénétrer un monde totalement féminin savamment mis en scène. Pregnant smoker interroge l’intimité des femmes et les relations qu’elles tissent avec leur environnement. D’une grande rigueur formelle, l’image suscite des interrogations sur la psychologie féminine. Qu’en est-il du ressenti de la gent masculine ?
Maternité avec Matt Collishawet ses Single Nights mettant en scène à la façon de Georges de la Tour -artiste du XVIIe siècle- des mères célibataires marginalisées issues des quartiers pauvres de Londres. Sublimes images de la maternité, l’artiste transforme ce statut de mère célibataire en l’inscrivant dans un héritage artistique fort et emblématique. Les références bibliques, notamment à Marie-Madeleine achèvent de replacer ces mères dans une sphère définitivement intouchable.
Sexe enfin avec la série du photographe américain Andres Serrano. Le scandale! History of sex, images dissimulées dans une pièce séparée par un rideau noir du reste de l’exposition. Je ne publie pas ces images ici mais vous invite à aller les voir. Le mot « pornographie » est souvent utilisé pour parler de cette série. Les couples photographiés par Serrano ont des pratiques atypiques ou déviantes. Mais ils posent sur le visiteur un regard si tendre que nous voilà déstabilisés et poussés à nous interroger. Le cadrage et le format imposant choisi par l’artiste ainsi que la mise en scène très classique fixent ces pratiques dans le temps artistique et forcent le visiteur à la réflexion, mais en aucun cas à autre chose, comme ce serait le cas pour des images pornographiques.
Je finis donc en vous invitant à venir faire un tour du côté de Beauvais et à visiter sans attendre l’exposition Love Stories !!!