Céline Weissier – Les mots à la page

L’histoire de la cocotte, star des fourneaux!

histoire de la cocotte, star des fourneaux

En couverture des magazines, sur Tik Tok, dans les émissions culinaires, sous les maniques des grands chefs : depuis plusieurs années déjà, la cocotte de nos grands-mères est devenue un véritable objet de désir.

Elle est partout, attise toutes les convoitises, attire tous les regards et se pavane, aussi bien photogénique en violet, en bleu azur, en gris qu’en vert. Sous ses rondeurs, elle mitonne, rôtit, mijote et confit des préparations classiques et originales depuis des décennies, sans fausse note ni impair. Sa simple présence sur un fourneau suffit à mettre l’eau à la bouche, promesse d’un repas gourmand, régressif et réconfortant.

Ploc, ploc : entendez-vous la cocotte chanter ? La cocotte française chuchote aujourd’hui une mélodie bien douce aux oreilles des gourmands du monde entier…

Vite, prenez un bout de pain, saucez avidement votre assiette, je vous raconte l’histoire de cette mignonne aux lignes charnues, devenue une icône de la cuisine française.

La cocotte en fonte, un incontournable de la cuisine

Que vous aimiez cuisiner ou non, vous la connaissez depuis toujours. D’ailleurs, si ce n’est pas votre cas, votre maman et votre grand-mère en ont une !

Starlette photographiée sous toutes les coutures, la cocotte se montre tantôt rustique chic en habits ivoire, tantôt citadine ultra sophistiquée en indigo : il semblerait qu’elle soit devenue en 2021 un accessoire à la mode, entre décoration, cuisine et art de vivre.

Le Creuset, Staub, Invicta, Rosières…les marques françaises sont nombreuses et rivalisent de créativité et de savoir-faire quand il s’agit de la mettre au goût du jour.

Avec une technologie qui a peu évolué, la cocotte française est bel et bien arrivée au hit-parade de la batterie de cuisine, au même titre que les robots à tout faire, chefs d’orchestre de la cuisine moderne, dotés de multiples fonctions culinaires.

Pourtant, point de technologie de pointe ici, mais plutôt un savoir-faire séculaire, méticuleusement porté au sommet du bon goût made in France.

La cocotte en fonte, une fabrication séculaire

D’où vient cette mystérieuse cocotte ?

Ensemble, retournons aux prémices de cette histoire…

Début XVIIIe siècle, l’industriel anglais Abraham Darby se rend au Pays-Bas et étudie les techniques de fabrication néerlandaises employées pour fabriquer des marmites. Celles-ci sont réalisées par coulage du laiton[1] dans des moules en sable. Il est impressionné par le rendu final et la finition des formes ainsi obtenues.

De retour dans son Angleterre natale et après de multiples essais, il dépose en 1707 un brevet pour la fabrication de récipients culinaires en fonte de fer (mélange de fer et de carbone) inspirés des procédés[2] observés aux Pays-Bas.

Dès lors, c’est sous la dénomination de dutch oven que quantités de récipients en fonte de fer sont commercialisés. Avec trois pieds et munis d’un large couvercle pour faire bouillir, ou sous forme de boite aux ouvertures latérales pour rôtir, ces nouveaux ustensiles sont les ancêtres de nos cocottes actuelles. On les utilise sur des feux de bois.

Au XIXe siècle, ces dutch oven connaissent un grand succès auprès des colons d’Amérique du Nord. Robustes et transportables, ces récipients s’adaptent très bien à la vie au grand air et sont encore utilisés de nos jours par les campeurs ou autres amateurs de sorties en plein air.

Les fabricants hollandais les travaillent aussi en tôle d’acier embouti, dans des formes similaires à celles connues aujourd’hui[i]. Les cuisinières les utilisent dès lors sur le gaz ou directement sur le feu. Elles ont l’avantage d’être plus légères que leurs homologues en fonte de fer. Aujourd’hui encore, elles sont utilisées dans les foyers du plat pays pour mijoter ragoûts et hachee[ii].

La cocotte française : une histoire de fonderies

1890 aurait vu la naissance de la cocotte française telle qu’on la connait aujourd’hui : deux anses, une forme arrondie ou ovale, le tout réalisé en fonte de fer brute ou émaillée, c’est sur des terres de fonderies, de hauts fourneaux et de métallurgie[3] qu’elle écrit ses lettres de noblesse.

Toujours fabriquées en fonte de fer et grâce à des moules en sable détruits après chaque moulage, les cocottes en fonte de fer sont aujourd’hui encore des pièces uniques réalisées à la main dans la plus pure tradition !

Depuis 1950, leur fabrication est essentiellement concentrée dans le nord de la France, dans le Cher ou la Loire. L’usine Le Creuset située à Fresnoy-le-Grand dans l’Aisne enregistre des ventes en constante augmentation ces dernières années, avec 92% des ventes dédiés à l’export, et une clientèle américaine totalement conquise par le charme so french de ces petites rondouillardes…

Un peu délaissée, la cocotte en fonte de fer brute est de nos jours remplacée par des modèles aux couleurs chatoyantes et tendances, obtenues grâce à des techniques d’émaillage. Appliqué à 800°C, l’émail protège la fonte de la rouille et de l’humidité. Côté cuisine, il a un effet antiadhésif, ce qui facilite la cuisson des pièces les plus délicates.

Les cocottes au goût du jour

Ces dernières années, de plus en plus de séries spéciales, de cocottes aux formes insolites, inspirées du monde végétal ou de thématiques plus modernes (on pense à la collection Star Wars de Le Creuset) valorisent avec plus ou moins de bon goût ce savoir-faire de plus en plus plébiscité.

Côté industrie, on innove pour améliorer la qualité de la cuisson. Pour conserver le moelleux des aliments, Staub moule des picots sous le couvercle ou crée un couvercle avec un rebord, pouvant accueillir de l’eau prête à condenser : les évolutions technologiques accompagnent aussi le respect des produits.

Aujourd’hui, les vedettes font sa pub, les ados la mettent en scène sur les réseaux sociaux, et les fashionatas ne jurent que par elle…

Lisez aussi mon article : La cocotte française : le hygge made in France ?


[1] À l’époque, le laiton est le matériau utilisé couramment dans la fabrication d’ustensiles.

[2] Moules en sable et coulage d’un alliage.

[3] Dans les Ardennes, le Nord et la Picardie. Cette tradition est d’ailleurs souvent très ancienne, à Cousances-les-Forges, dans la Meuse, elle daterait de 1553.


[i] Dès 1891 la marque BK commercialise des cocottes de formes similaires aux nôtres

[ii] Ragoût de viande (veau, porc, bœuf ou agneau) agrémenté d’une sauce au vinaigre et aux pommes de terre.