Lecture – L’oiseau-forêt de Michel Munier, récit bouleversant
L’oiseau-forêt de Michel Munier navigue entre monde des hommes et nature sauvage.
Si les chapitres racontent le combat de Michel Munier, ils disent surtout la descente aux enfers du grand tétras, ou grand coq, oiseau peuplant autrefois de nombreuses forêts d’altitude, et dont Michel Munier a été le témoin de la silencieuse disparition dans les forêts des Vosges.
Dans ce récit autobiographique, Michel Munier dit ses tripes, sa sensibilité, son combat.
Le lire place le lecteur dans la posture de l’observateur discret du monde sauvage.
D’affûts nocturnes en prises de notes et en actions de sensibilisation, de rencontres avec les forestiers puis avec les pouvoirs publics, d’organisations de bénévoles en accompagnements des professionnels de la forêt, on découvre la lutte d’un homme et de tout un réseau, mais aussi d’un oiseau, tantôt pour la préservation d’un milieu naturel sensible, tantôt pour sa propre survie.
Fruit et synthèse de 50 années d’affûts nocturnes et de carnets griffonnés dans l’obscurité, ce livre est l’histoire du grand tétras des Vosges, comme un hymne à la beauté, à la force, à la poésie et à la fragilité de nos forêts.
Un hommage à une espèce sauvage en voie de disparition…aux accents autobiographiques.
L’oiseau-forêt, un récit au cœur de la forêt vosgienne
Le grand tétras, oiseau majestueux à l’allure préhistorique, fait désormais presque partie du passé du massif vosgien.
À travers les pages de L’oiseau-forêt, le lecteur hume l’air frais de la forêt vosgienne, sans romance ni surenchère. Dans la balance, le monde des hommes, si ce n’est par l’action de Michel Munier et de quelques convaincus, apparait dans toute sa superficialité, arrogant, vaniteux et profondément égoïste.
Les instants bénis succèdent à la noirceur de la réalité.
Michel pleure, nous pleurons. Michel espère, nous espérons.
Du rire aux larmes, de l’espoir à la consternation, le lecteur prend conscience de l’évidence, impuissant face aux affres de notre bêtise et à un constat : la disparition du grand tétras relève de notre seule responsabilité, de mauvaises décisions, de notre ignorance…de notre aveuglement.
Michel Munier nous donne les clés de cet échec. L’équilibre tient parfois à de petits riens, car si elle est résiliente, Dame Nature demeure fragile.
Au tout début, il y eut les pessières, plantations d’épicéas annihilant toute vie du sol et des espèces, plantées pour des raisons économiques après-guerre. Ensuite, l’avènement du sacro-saint loisir et des « aventuriers » de la dernière heure, en mal de sensations fortes et d’images inédites, plus soucieux de leurs performances que du vivant. Le réchauffement climatique finit en ce moment même de balayer d’un revers de main ce que le monde sauvage a créé.
Le grand tétras, triste symbole de notre vanité
Le lecteur, impuissant au sort dont il devient le témoin coupable, tourne des pages où l ‘engagement de Michel Munier cohabite avec le déclin d’une figure locale devenue emblème des forêts vosgiennes. Cela ne suffira pas à la sauver et à assurer sa présence dans le massif vosgien.
Plus que sa propre histoire, l’auteur brosse le portrait d’une espèce attachante. Car s’il est question des hommes, il est question d’un oiseau victime de notre folie, cristallisation des maux de notre monde, son chant résonnant comme un cri d’espoir puis de désolation à la fin du livre.
Le grand tétras en dit plus qu’il n’y parait sur notre société et l’évolution de nos mentalités.
La nature est grande, l’homme moderne est faible : cette idée s’ancre peu à peu chez le lecteur, honteux de participer à la dénaturalisation du monde. Au-delà de la question du changement climatique, centrale, reste celle de la place de l’homme vis-à-vis du vivant. Que signifie le préserver ? Est-ce pouvoir en « profiter » comme on s’achète un pull ?
Aujourd’hui, les espaces naturels deviennent des terrains propices à la réalisation personnelle, au dépassement de soi, mais à quel prix ?
L’oiseau-forêt, Michel Munier, Kobalann Éditions
Lire aussi :
- Les oubliés du dimanche, de Valérie Perrin.