Extrait du livre Le p’tit d’Henri, de XXXXXX
Extrait de cette biographie familiale :
« […] À Paris, mon cousin XXXX côtoyait du beau monde. Le gratin, comme on disait alors. Chaque dimanche en période de chasse, des riches, industriels, transporteurs, starlettes et commerçants, tous de la capitale, venaient s’encanailler à la ferme. La situation de nos maisons, isolées, permettait quelques fantaisies et nos invités ne s’en privaient pas : les voisins habitaient loin ! Les propriétaires des bois étaient tous conviés, et chaque convive payait une cotisation pour le droit de chasse, le repas, l’organisation.
Ma mère, ces jours-là, s’affairait en cuisine. Elle préparait de succulents plats de campagne, élaborés grâce aux produits de la ferme. Pour ces Parisiens, c’était du jamais vu, et pour moi aussi.
Chaque dimanche, les propriétaires des bois alentour s’accordaient pour savoir qui mettrait à disposition ses terres ce coup-ci. Une vingtaine de personnes constituait l’assemblée. Beaucoup d’hommes, mais aussi des femmes, et parfois quelques filles. Souvent ces dernières ne chassaient pas, mais nous étions heureux de les regarder Elles étaient si jolies et si distinguées ! Toutes ces belles gens étaient habillés de tweed et de cuir, vestes ajustées et chapeaux en feutre ou en daim. Le matin nous attendions avec impatience ces voitures luxueuses et briquées à fond.
Comme les parties de chasse démarraient vers 6h, un premier casse-croûte était servi à 9h. Rôtis, poulets, pâtés, pain et condiments au vinaigre : les estomacs affamés et la gaieté des chasseurs venaient à bout de ces quelques victuailles en un rien de temps. Ils retournaient chasser, puis, vers 13h, franchissaient à nouveau le portail de la ferme, affamés et plutôt joyeux, des trophées plein les bras : perdrix, lièvres, faisans, et aussi sangliers, cerfs, chevreuils, biches. Bizarrement, ces drôles d’invités ne repartaient jamais avec quoi que ce soit : ils s’amusaient, c’était tout. La viande restait ici.
- Pam, pam !, faisaient les détonations de balles dans la cour de la ferme.
Avec mes frères, nous n’en croyions pas nos yeux ! Les hommes jetaient leurs chapeaux en l’air et d’un coup de fusil les transperçaient d’une balle, pareil avec leurs bottes ! Nous n’étions plus dans notre réalité, mais dans un film. Ces gens-là n’avaient pas les mêmes codes que nous, et tout semblait si simple en les observant…[…] »