Portrait pro – Paul, dirigeant gourmand & novateur
Entrepreneur amoureux de son pays et des bonnes choses – Arbore avec panache traditions pâtissière et boulangère – L’artisanat comme symbiose du savoir-faire et de l’innovation –
Paul Jaffré, la petite trentaine, est à la tête de la Maison Savary, entreprise familiale connue pour ses pains artisanaux et surtout pour son flan beauvaisien. Depuis 2017, ce jeune entrepreneur y insuffle sa belle énergie et y pense un modèle économique équilibré, entre sauvegarde des recettes, respect des hommes et transmission de la culture française.
Paul aime afficher ses couleurs. Bleu-blanc-rouge, certes, mais aussi celles de la contreculture américaine, des starts-up, de la French Tech et de ses figures emblématiques. Drôle de mélange ? Esprit libre, plutôt.
S’affranchissant des clichés, l’homme chemine sur un sentier dont il aime tracer chaque détour, une mystérieuse madeleine de Proust rivée au cœur. Mi-nostalgique, mi-visionnaire, Paul nourrit son projet d’entreprise comme les recettes dont il est le gardien, avec générosité, cœur et créativité, mais aussi rationalité.
Entreprendre, ou comprendre pour mieux agir
Alors qu’il est lycéen, Paul prend conscience du poids des décideurs dans nos sociétés. De fortes personnalités le fascinent. Simon Sinek décortique la stratégie marketing des plus grands et les parcours des géants de la Silicon Valley crèvent les écrans. Sa jeunesse, Paul la fait rimer avec curiosité et soif d’apprendre. Un peu en opposition avec le système scolaire et ses injonctions, il préfère tracer sa route. Il enchaîne les petits boulots, et sous ses airs un brin rebelles, le jeune Paul s’interroge sur tout, dans une approche quasi philosophique, cherchant un sens au monde qui l’entoure…
En naissent des aspirations qu’il juge encore aujourd’hui constructives et déterminantes : « […] j’ai vite compris que pour avoir un impact sur le monde, il ne fallait non pas juste avoir du pouvoir, mais avoir la volonté de porter des actions positives et surtout celle de les incarner […] ».
De ce constat et de cette intuition, Paul va en faire une quête.
Féru de sciences et avide de tout, il côtoie des milieux très différents et évolue entre Rennes, sa ville natale, Paris et Bruxelles, où il suit des études dans une école de commerce. Avec ses amis, il cherche « l’idée » et poursuit ses lectures.
Les soirées sont longues et les nuits sont courtes. Paul lit et cherche son inspiration. La vision anthropologique et ses conséquences sur la société ont un retentissement important sur sa manière de voir le monde. Donner de soi, œuvrer en faveur d’une noble cause, tout en développant un projet entrepreneurial qui ait du sens : pas facile de trouver sa place quand on porte autant d’exigences !
Le hasard fait souvent bien les choses !
2015. Paul rencontre Juliette, fille d’un pâtissier réputé de l’Oise. L’agence de com’ qu’il vient de créer peine un peu à décoller, faute d’avoir identifié « le projet entrepreneurial qu’il [me] fallait, je n’y croyais pas vraiment». Côté cœur, l’idylle prend des accents gourmands, et chaque weekend la jeune femme arrive les bras chargés de paquets : « […] elle ramenait des flans, des macarons, on se faisait des festins de gâteaux, et mes amis étaient tous fous de ce flan […] », raconte -t-il.
S’ensuit une aventure digne des start-ups qu’il admirait. Dès les premières bouchées, Paul sent « l’énorme potentiel de cette recette et du flan » et délaisse son agence pour construire la communication de Maison Savary, à raison. Le flan fait un carton ! Très vite, Paul s’associe avec son beau-père et un chef pâtissier russe. La petite pâtisserie de quartier devient trop étroite…
En 2017, Maison Savary déménage et s’installe dans un plus vaste local, à Chambly. Aujourd’hui, l’entreprise emploie 15 salariés et est leader dans la fabrication et la distribution de pâtisseries fraîches en France.
Une vision sensée de l’artisanat
Quand on évoque son goût pour la cuisine et les traditions, Paul ne peut s’empêcher de raconter quelques anecdotes savoureuses, l’œil un peu brillant : « […] j’adorais les pot-au-feu de maman, le bouillon qu’elle récupérait pour faire cuire du vermicelle, directement dans la cheminée, dans une marmite […] ». Dans la maison de ses grands-parents maternels, Paul esquisse en quelques paroles « les marrons au lait », puis « les pommes au four » et tous ces plats populaires et familiaux qu’il aime encore partager avec ceux qu’il aime…
Pourtant, si Paul chérit l’art de vivre à la française, le modèle qu’il construit casse un peu les codes, et bouscule les habitudes de consommation : « […] quand je dis que je travaille de manière artisanale on me rétorque parfois que je ne suis pas une boulangerie-pâtisserie de quartier, comme si le titre « d’artisan » était réservé à ce type de boutique ! ».
Car pour Paul, l’artisanat mérite qu’on se pose les bonnes questions : « […] qui est plus artisanal ? Une boulangerie de quartier toute mignonne qui cuit des pains au chocolat surgelés ou une usine comme la nôtre, qui réalise sur place l’ensemble de ses recettes avec des matières premières à la traçabilité 100% transparente ? […] ».
Sous ses airs tranquilles, Paul s’anime quand on parle bien-manger et respect du consommateur, celui « à qui on doit rendre des comptes », loin de toute vision passéiste de l’artisanat : « […] c’est l’innovation qui nous offre cette chance de proposer des produits hyper qualitatifs. Dans une boulangerie de quartier, il est interdit d’utiliser du lait cru pour des raisons sanitaires, chose que nous faisons ici depuis le début, ce qui participe à l’excellence du produit, mais ça, le public l’ignore […] ».
De la pédagogie, Paul en fait tous les jours et adore ça…
Porter des valeurs humaines et sociétales
En améliorant la qualité du produit et en le portant à son excellence, tout en respectant les savoir-faire, Paul trimballe partout cette volonté de rendre grâce à la beauté de notre patrimoine culinaire : « […] tous mes frères vivent à l’étranger, mais moi, je suis français de chez français, j’adore mon pays et ma culture. Je suis à ma place ici […] ».
Flans, viennoiseries et pains sortent tous les jours de l’usine, et touriers, pâtissiers et boulangers travaillent des matières premières de qualité. Ici, la crème est fraîche, le lait cru et les œufs de provenance française. Les farines ? Biologiques et sélectionnées pour leur valeur nutritive.
De l’avant, Paul a gardé cette recette « oufissime », tout en l’améliorant : « […] à la boutique, quand je suis arrivé, le lait n’était pas cru, on utilisait non pas que du beurre mais aussi de la margarine, et les œufs n’étaient pas tous français […]».
Aujourd’hui, Paul est fier de faire visiter ses locaux et s’attache à défendre ce qui lui tient à cœur : « […] nous avons équipé nos ateliers de matériels facilitant le travail de nos salariés et réduisant les troubles musculosquelettiques. Nous avons aussi une salle de sport pour prévenir l’apparition de tels problèmes. »
Passionné, Paul évoque la démarche dans laquelle il inscrit Maison Savary depuis qu’il s’est associé avec son beau-père, entre préservation des tours de main, mais aussi évolution du métier et prise de conscience des enjeux de demain.
Heureux d’afficher son appartenance à l’artisanat français, il défend sa vision d’avenir « essentielle à la survie de l’artisanat français ». Pour lui, un artisan ne fait qu’un avec son environnement, et reste porté par les notions d’équilibre et de durabilité : « […] ici, nous choyons produits, fournisseurs, salariés et consommateurs grâce à une mise en œuvre respectueuse de chaque étape de fabrication, dans l’unique but de faire vivre notre patrimoine, tout en respectant chaque maillon de la chaîne. Je pense que l’équilibre est là, non ? ».
L’adolescent lecteur de Robert Wright et des ouvrages de psychologie évolutionniste n’est pas loin et semble s’être saisi d’un sujet qui lui tient à cœur.
Ce flan, merveille de gourmandise et de savoir-faire made in France, cristallise finalement toutes les attentes de Paul…
Hasard ou destinée ?
Portrait écrit par Céline Weissier
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