Catherine, directrice dopée aux rencontres

Propulser ceux qui en ont besoin – L’écoute, la lucidité et l’amour des autres au cœur –
Catherine Dextre déambule dans les couloirs de REB (Recherches Emplois Bury) avec l’assurance et la légèreté de ceux qui trouvent toujours des solutions. Un sourire, une idée ; un haussement de sourcil, un plan en tête : derrière chacun de ses gestes, on devine une femme de caractère, exigeante avec les autres autant qu’avec elle-même.
« L’exigence fait partie de mes valeurs », rigole Catherine quelques instants plus tard, une tasse de thé vert à la main. Et à voir la pile de dossiers à traiter sur son bureau, on la croit aisément !
Catherine, aux manettes de REB depuis 1998, pilote l’association aux côtés de son Président Frédéric Legros avec l’idée de donner à chacun sa chance, « comme un tremplin », heureuse de voir voler de leurs propres ailes ses petits protégés.
Des publics aux profils variés passent ainsi la porte de sa structure, du jeune diplômé à l’universitaire, du bénéficiaire du RSA à la maman désireuse de reprendre une activité professionnelle… REB, en bon chef d’orchestre, oriente ses bénéficiaires du conseil à la recherche d’emploi au chantier d’insertion !

Une rencontre improbable
Qui a dit que l’improbable était impossible ?
À l’automne 1995, Pierre Carrara, ingénieur géophysicien, et Catherine Dextre, diplômée de l’université de Tours en psychologie, se rencontrent au détour de l’élection de Pierre Carrara comme Premier adjoint de Bury. Alors qu’elle réside sur la commune de Saint-Claude avec sa famille, Catherine Dextre voit en Pierre un homme aux valeurs essentielles, « tourné vers la réussite des autres et le rayonnement du territoire », se souvient-elle…
Pierre, rapatrié par sa compagnie à la suite d’un grave accident du travail en 1994, avait géré un temps la question du reclassement professionnel dans son entreprise à son retour. En 1995, le jeune retraité s’implique au niveau communal après avoir créé REB quelques mois plus tôt.
C’est dans ce contexte que Catherine le sollicite, notamment vis-à-vis de son propre engagement professionnel, qu’elle imagine tourné vers l’accompagnement : « Je n’avais aucune idée d’un métier en particulier ! Je l’ai rencontré pour bénéficier de son expérience. Monsieur Carrara m’a mise en relation avec le cabinet avec lequel il avait travaillé quand il était en charge du reclassement professionnel, puis je suis revenue le voir et je me suis proposée pour développer REB. De là je suis devenue bénévole, j’ai reçu des candidats pendant que de son côté il rencontrait les institutionnels… ».
Au fil des mois, ces deux personnalités énergiques, devenues incontournables, prêtent main-forte aux forces vives en place et s’impliquent dans des projets pédagogiques auprès des écoles et des associations locales : « On organisait des groupes de lecture, par exemple, pour soutenir scolairement les enfants, mais ce n’était pas tout ! On tentait de proposer un maximum d’activités aux écoles. Comme mon fils était en classe aussi, cela facilitait les échanges », raconte-t-elle.
La création de REB, fait du hasard ou non, coïncide avec la fermeture de nombreuses usines du secteur. D’emblée, Catherine et Pierre font face à une situation inédite. De nombreux ouvriers, techniciens, chefs d’équipe et manutentionnaires se retrouvent alors sans emploi : dans le bassin creillois situé à deux pas, on ferme les usines et on licencie à tour de bras…et la question de la réinsertion est alors une préoccupation majeure.
L’insertion professionnelle comme objectif
Catherine, jeune maman, devient, grâce à l’obtention du statut d’organisme de formation par REB et à des réponses à des appels à projets, salariée en CDI. L’aventure REB prend forme pour cette structure d’envergure locale qui se professionnalise, ancrée dans la réalité des travailleurs.
Dès le départ, l’ADN de REB est marqué du sceau de l’autonomisation des personnes : apporter un soutien à l’insertion professionnelle, dans un élan interdépendant et multidisciplinaire, réunissant toutes les facettes de la recherche d’emploi. De la rédaction de la lettre de motivation et du CV à la présentation physique lors de l’entretien d’embauche, de l’accompagnement des ASSEDIC au lien avec les structures sociales présentes sur le territoire, REB accompagne dès les prémices ceux pris sous son aile, toujours « dans l’optique de les rendre libres et autonomes », précise Catherine dans un sourire.

« Pour recevoir, il faut donner, et cette règle est valable aussi sur le marché du travail », précise la directrice non sans une pointe de gravité, avant de préciser « qu’ici, on agit de manière consciente et on sensibilise les bénéficiaires aux attendus comme aux droits auxquels ils peuvent prétendre ».
Loin d’elle de tout offrir sur un plateau, vous l’avez compris !
Catherine défend l’idée de l’émancipation des individus et de leur autodétermination. De son enfance auvergnate, elle garde le souvenir de la rigueur de l’école catholique et de l’exigence des professeurs. Avec Pierre, si elle partage ces valeurs d’exemplarité, elle se plie en quatre, faisant de la solidarité et de l’entraide des piliers de l’association qu’ils développent ensemble, jusqu’au départ de Pierre en 2000.
Conçue comme un coup de pouce, l’action de REB ne repose en aucun cas sur l’assistanat, mais bien sur la remise à niveau, la montée en compétences et la réappropriation de sa vie professionnelle…en vue de rebondir et de retrouver l’élan propice à la reprise d’une activité professionnelle.
Une association locale au plus près de ses bénéficiaires
Au départ, dès 1995, Catherine intervient auprès du CCAS de Bury et s’occupe des bénéficiaires du RMI, les soutient dans leurs démarches et leurs désirs de formation : « En 30 ans, mon travail a évolué, et le public et les institutions aussi !», rigole Catherine.
Peu à peu, elle gagne en reconnaissance. Début 2000, le territoire souffre de cette crise industrielle qui ne semble voir qu’en la fermeture définitive de dizaines d’entreprises une fin satisfaisante, mais Catherine s’accroche et multiplie les initiatives : « bilans de compétences, formations diplômantes…j’ai vraiment tiré sur tous les leviers, et ce, dès le début ! », s’enthousiasme-t-elle avant d’ajouter « qu’elle adore aider et voir les autres s’épanouir et grandir ».
Catherine se forge au feu des situations les plus critiques : « Avec Pierre, on y allait, on ne réfléchissait pas, on faisait tout pour faire bouger les lignes », précise-t-elle dans un souffle. Si elle prend alors en pleine face la misère sociale, elle qui a toujours évolué dans un milieu « pas bourgeois, mais favorisé », la fille de commerçants sait ce que le mot travail signifie.
Elle déplore alors que le secteur de Bury souffre des fermetures successives des usines, d’un niveau scolaire très bas et d’une grande sédentarité des populations et ce, depuis plusieurs générations : « il y avait un gros travail de fond à faire, au point de vue social, scolaire et professionnel ».
Aujourd’hui, Catherine a parcouru un bout de chemin, si bien que « tout le monde connait Madame Dextre dans le milieu de la réinsertion ! », s’amuse-t-elle à dire lorsqu’elle évoque ses liens avec ses partenaires, dont France Travail, le Fonds social européen, le Conseil départemental de l’Oise ou les Missions locales…mais n’allez pas lui faire dire qu’elle « a réussi » quoi que ce soit !
Humble, Catherine ne cherche pas la gloriole ou la notoriété et elle est d’un coup mal à l’aise quand elle comprend que cet article portera sur son parcours ! Pour elle, seule compte l’énergie de l’association, et sa capacité à redonner confiance à ceux que la vie a parfois abîmés, laissés pour compte ou qui se sont égarés.
19 000 bénéficiaires accompagnés depuis 30 ans
En 2025, REB compte 15 salariés, dont des travailleurs sociaux, un comptable, une assistante, et des conseillers en insertion professionnelle : « l’association qui a démarré à deux bonshommes a bien changé ! », rit-elle non sans évoquer à nouveau Pierre.
Et 19 000 personnes accompagnées, ce n’est pas rien ! Le secret de Catherine pour garder son enthousiasme ? « Tous les ans, tout remettre sur le billot, et avancer ! », déclame-t-elle, tout en relayant l’image bien connue de la semeuse : « je sème des graines, et ça, ça n’a pas de prix ».
Catherine, directrice depuis 1998, mesure le chemin parcouru, même si elle reconnait que son travail change de nature, avec « de plus en plus d’organisation nécessaire et de moins en moins de budget ». Avec le temps, elle a appris à se faire confiance et à mettre sa patte dans les projets de l’association. Ainsi, depuis 2009, les chantiers d’insertion[1] qu’elle organise font grand bruit dans le petit milieu de l’insertion.
Trente-deux bénéficiaires y contribuent et participent à des travaux de rénovation du bâti et d’entretien des espaces verts à destination des collectivités du secteur (Mouy, Agnetz, Bury, Heilles, Clermontois…). Convaincue de la portée d’un tel dispositif, Catherine jubile quand il s’agit d’évoquer ce sujet qui lui tient à cœur : « C’est génial de voir les maires féliciter les personnes qui s’engagent sur ces chantiers. Ce ne sont que des mots, mais alliés à la satisfaction du travail accompli, c’est un vrai booster pour ceux qui les reçoivent ! ».
« Nous sommes des créateurs de parcours »
Malheureusement, tout n’est pas rose de ce côté-ci de la barrière. La souffrance psychologique des personnes, la précarité matérielle des familles et des défaillances éducatives ou relationnelles rebattent à chaque dossier les cartes de l’intervention de son équipe.
Sur le terrain, REB doit composer avec les difficultés de chacun et trouver les clés susceptibles d’ouvrir les portes, dans un monde où l’accélération digitale, l’entre-soi et la montée des extrêmes génèrent des difficultés de communication.
Mais Catherine croit en l’avenir de REB et sait s’entourer. Des stages de développement personnel où il est question des soft skills ou de prise de parole libre, redonnent confiance à ses bénéficiaires. Toujours à l’affût du rebond salvateur, Catherine chemine, telle qu’elle a toujours été, consciente des limites des hommes et de leurs faiblesses et pourtant si humaine : « j’ai connu de grandes réussites, comme cette femme accompagnée dans son rêve de devenir hôtesse de l’air, mais aussi des échecs, à l’image d’un vieux monsieur attaché à son style de vie et, d’une certaine façon, à ses démons ».
Avec Frédéric Legros, Catherine Dextre perpétue toujours l’esprit de Pierre Carrara et cherche, à l’aube de la retraite, à préparer sa succession « dans l’esprit de REB, c’est-à-dire avec une vision humaniste ». À bon entendeur…
Contact :
Catherine Dextre – Directrice de REB (Recherches Emplois Bury)
Place Réginald Theroude
60250 Bury, Oise, France
03 44 26 05 06
[1] Deux appellations pour les chantiers d’insertion : « Environnement Centre Oise » et « Emulsion et fil à plomb »